Samedi 13 avril 2024, La passerelle des vallées a organisé une marmite partagée sur la commune des Ollières-sur-Eyrieux, en soutien au déroulement d’une conférence participative sur le thème du handicap en milieu rural, à l’initiative d’un usager de La passerelle des vallées.
A 9h30, les bénévoles ont travaillé ensemble pour les préparatifs de la marmite, suivi d’un apéritif et d’un repas réunissant 46 personnes. Après ce repas convivial, une courte animation a été proposée en introduction de la conférence au cours de laquelle, chaque participant a répondu sur un petit post-it à la question : « Pour vous, qu’est-ce que le handicap ? » suivi d’un débat. Le temps d’échange s’est conclu sur la définition du handicap selon la loi du n°2005-102 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (11 février 2005) : Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. A cette occasion, Pascale Balligand chargée de projet en santé mentale pour l’Instance Régionale d’Education et Promotion de la Santé (IREPS) a apporté des informations et répondu à des questions sur le handicap, en faisant également l’état des lieux des ressources et structures présentes en Centre Ardèche.
Témoignages de personnes en situation de handicap ou de personnes aidantes en milieu rural
En conclusion de cette journée, des membres du Collectif tou.te.s concerné.e.s 69, ainsi que des usagers de La passerelle des vallées, en situation de handicap ou d’aidants ont témoigné et répondu à des questions.
« Je suis sophrologue, mais je vais témoigner en tant que maman. Pour moi, L’inclusion est l’opposée d’exclusion. Je ne peux que témoigner du milieu rural, car depuis 10 ans, nous n’avons pas vécu en ville. Je ne sais pas si une situation est mieux que l’autre, ça dépend peut-être du parcours de chacun et de son histoire. Les besoins d’une personne en situation de handicap, sont liés aux difficultés pour vivre un quotidien épanoui. La peur du jugement est constamment présente. Il existe une stigmatisation et une auto-stigmatisation qui découle de la stigmatisation de manière générale. Je constate une mise à l’écart des personnes porteuses de handicap et parfois c’est la personne qui se met à l’écart. En milieu rural, il n’y a pas de transport en commun facile et l’accès aux services et obligations liés au handicap est compliqué. L’allocation n’étant pas très élevée, cela ne permet pas d’avoir des loisirs pour sortir de la bagarre du quotidien. Il y a beaucoup de démarches, dont certaines qui passent par internet et l’utilisation entraîne également des difficultés. A la campagne il y a moins de stimulation et la nature permet de se ressourcer. Cependant, il manque un lieu ressource, de pairs et d’impairs, un lieu d’information sur ce qu’il y a autour du handicap, un lieu d’échanges et d’activités. Souvent le handicap est vu comme quelque chose de négatif, mais pour moi, ma situation d’aidant m’a permis de vivre des moments très riches, de revenir à l’essentiel qui fait la vie, de rester humble devant le courage et la force de mon fils à travers ce qu’il vit » – Agnès.
« Pour moi le handicap rejoint la question de la norme sociale. Est-ce que vous êtes normés, est-ce que moi, je suis normé, suis-je dans la norme ? Je suis venu pour témoigner auprès de vous de mon handicap. En tant que patient expert, car ça fait déjà 10 ans que j’ai eu un accident de la vie. Suite à ça, j’ai fait beaucoup de réhabilitations, notamment à Toulouse, Valence, j’en ai fait dans différentes structures de soins qui s’occupent de la réinsertion sociale et professionnelle. Il y a 10 ans j’ai été dans le coma, je me suis battu pendant 3 à 4 ans avec des gros troubles moteurs et psychiques. J’ai eu une quinzaine d’opérations. Aujourd’hui je vois le bout du tunnel, notamment grâce aux aidants. Ma mère et des professionnels de santé. En tant que patient, mon expérience me dit que c’est grâce à mes efforts que j’ai pu récupérer aujourd’hui. Il y a des handicaps différents, il y a des personnes qui naissent avec ce handicap ça fait des vies différentes. Suite à mon accident, on est venu vivre en campagne. Grâce à cette notion de solidarité active en milieu rural, j’ai pu rencontrer des personnes, un réseau qui m’ont soutenu, du soutien, de la solidarité par le biais des amis, avec d’autres patients dans mes parcours de réhabilitation. Il me reste juste ce côté de « la norme sociale, professionnelle » qui est déjà difficile à surmonter. Le handicap c’est des humains avant tout, et moi souvent, j’ai un peu vécu cette sensation d’être jugé. Ce n’est pas évident, mais ça peut arriver à tout le monde de se sentir jugé ou de juger. Une personne handicapée, c’est avant tout un être à part entière qui mérite le respect. Mon témoignage me permet de l’exprimer, ça peut permettre à d’autres d’en parler ou d’avoir envie d’en parler, provoquer des échanges et transmettre des informations. La notion de handicap est importante à aborder, ça demande le double d’effort pour une personne en situation de handicap quand elle est jeune. La notion de handicap est présente en chacun de nous, on a tous une santé mentale, on doit tous en prendre soin. » – Hugo.
« Je suis handicapé depuis la naissance, mais je me suis quand même occupé de mes parents et aujourd’hui je m’occupe de mes neveux et nièces. Je m’en sors bien, je prends le bus pour me déplacer. Le fait d’être en milieu rural, ça m’a beaucoup aidé, car ce n’est pas la même mentalité qu’en ville. On m’a déjà envoyé baladé dans les clubs, parce que dans certaines associations, on ne voulait pas des handicapés. Autrement, pour moi, ce n’est pas une difficulté d’être une personne en situation de handicap en milieu rural, je suis bien entouré avec mes amis et ma famille. » – Anne.
« En tant que pair-aidants, c’est notre savoir en tant que patient, souffrant, ayant vécu avec un trouble ou une maladie qui nous permet d’aider nos pairs. J’ai grandi en campagne et j’ai très mal vécu mon trouble là-bas. Je souffrais de la « mentalité » campagne où les uns parlent sur les autres et tout le monde se connaît. Partir en ville a été libérateur, dans un lieu beaucoup plus grand où je pouvais être plus discrète. En termes de soin, ma première hospitalisation dans une “petite” ville (50 000 habitants) a été traumatisante, car c’était un petit service où nous étions tous mélangés. Donc quand je suis partie pour aller à Lyon, c’était pour quitter tout ça et pour la qualité de soin qu’on ne retrouverait pas dans un petit village. Cela me fait du bien d’entendre que d’autres ont vécu autre chose et qu’on peut s’en sortir en milieu rural, comme en Ardèche. » – Pauline.
« Qu’est-ce qui va m’arriver ? Il y a 2 ou 3 semaines j’ai été chez le médecin qui a dit à ma compagne : « ça ne peut être qu’une maladie de parkinson ». Comme j’ai été très sportif j’ai commencé à douter et mon médecin m’a dit : « non non faut pas douter, il faut voir un neurologue ». Alors, pour trouver un neurologue en campagne c’est compliqué. Moi j’en suis encore sous le choc, chaque jour, je m’étonne de marcher un peu moins bien, de parler un peu moins bien. Je ne souffre pas. C’est une maladie qui au début n’est pas douloureuse. Ensuite j’ai fait ce que les médecins disent : « surtout ne faites pas », j’ai été sur internet, donc j’ai lu des choses désagréables et très désagréables. J’attends désespérément, un neurologue, qui veuille bien me recevoir 10 min faire quelques essais. Ils m’ont conseillé vigoureusement, de ne plus conduire. J’ai pensé ne pas donner suite, j’ai bien réfléchi, ma femme l’a fait pour moi, j’ai renoncé pour le moment à conduire, étant sûr que je pourrai le faire. Deuxième ennui, qu’est-ce qu’il va arriver ? Qu’est-ce qu’il faut prendre, qu’est-ce qu’il ne faut pas prendre ? Les spécialistes se cachent, les autres m’assaillent, pour de l’imprudence que je trouve exagérée. Je suis un très bientôt futur handicapé, la maladie de parkinson peut à la fin, empêcher de marcher complètement. Je m’inscris comme malade, incompris, inexpérimenté. » – Jacques.
Pour voir le handicap autrement…
Pour aller plus loin, une table présentant quelques ouvrages traitant de différentes manières la notion de handicap a été installée par Martine de la bibliothèque de Saint Pierreville. Vous pouvez retrouver ces livres et les emprunter à la bibliothèque, médiathèque Val’Eyrieux : place du clos à Saint-Pierreville.
L’étymologie du mot handicap
Hand (la main) cap (la veste) a été mis en place pour des gens qui étaient trop forts pour les autres. Le handicap peut être vécu comme un manque, si je n’ai pas de téléphone portable en ville, cela peut être vécu comme un manque. C’est la vie que je mène en fonction de l’environnement. Sur notre territoire, on dépend du CMP du Cheylard, l’antenne externalisée de l’hôpital psychiatrique. La MDPH régule un des grands champs autour du handicap. Il y a aussi les aides à domicile, tierces personnes pour accompagner. Il existe des groupes d’entraides mutuelles, pour rompre l’isolement, géographique, familial. Le but est de se vider la tête en côtoyant diverses personnes. Il y a un GEM à Privas. Les activités de La passerelle sont à la fois de l’accompagnement et de la prévention via la recréation du lien social. Pascale Balligand, chargée de projet en santé mentale pour l’IREPS.
Article par Marc – Avril 2024